Comment est née l’idée d’organiser les AI Film Awards ?
L’idée des AI Film Awards est née de la vision du fondateur, le docteur Jacques Durand, une personnalité reconnue pour son approche innovante et avant-gardiste. Il a très tôt identifié le potentiel majeur de l’intelligence artificielle appliquée au cinéma et anticipé qu’elle deviendrait rapidement un marché incontournable. C’est dans ce contexte qu’il a décidé de créer une cérémonie destinée à récompenser les meilleurs films réalisés grâce à l’intelligence artificielle. Il a d’ailleurs déposé la marque immédiatement après avoir eu cette intuition.
La toute première édition s’est déroulée le 16 mai 2024, en parallèle du Festival de Cannes, offrant ainsi une vitrine exceptionnelle à l’événement. À cette époque, je ne faisais pas encore partie de l’organisation. J’étais moi-même participant, avec mon court-métrage d’animation intitulé « Les Trois Portes de la sagesse », une œuvre en partie créée avec l’IA, entièrement réalisée sur smartphone — ce qui était probablement une première mondiale.
Aujourd’hui, nous sommes déjà à la cinquième édition des AI Film Awards, qui aura lieu au prestigieux Théâtre de L’IA, à Paris, preuve du développement rapide et de la reconnaissance grandissante de ce festival.
Pourquoi avoir choisi spécifiquement le thème de l’intelligence artificielle et du cinéma ?
À l’avenir, le concept de l’intelligence artificielle appliquée à l’image va continuer à évoluer vers l’image animée. Aujourd’hui déjà, de nombreuses applications développent sans cesse de nouvelles fonctionnalités, avec des mises à jour hebdomadaires, ouvrant toujours davantage de possibilités créatives. Si l’utilisation de l’IA dans le cinéma ne date pas d’hier, nous vivons actuellement un véritable moment d’accélération. Ces nouvelles technologies offrent désormais la possibilité de réaliser des films de grande qualité, à condition évidemment de bien les maîtriser.
Ce qui est particulièrement intéressant, c’est que l’IA ouvre l’accès à la création cinématographique à des personnes qui ne sont pas nécessairement issues de formations techniques. Grâce à ces outils, des auteurs ou des scénaristes voient désormais leurs idées, leurs textes, transformés directement en films.
On pourrait comparer cette évolution à celle que nous avons vécue avec les téléphones portables : à leur apparition, ils servaient uniquement à passer des appels. Puis ils sont devenus lecteurs MP3, avant d’intégrer la photographie et, finalement, la vidéo. Ce cheminement technologique, naturel et progressif, s’applique aussi à l’IA. Au départ, celle-ci générait uniquement des images fixes ; aujourd’hui, elle génère des images animées. Nous le voyons clairement avec les applications mobiles qui sont passées en quelques mois de la simple génération d’images à celle de vidéos. Désormais, nous sommes pleinement dans l’ère du prompt vers l’image, puis de l’image vers la vidéo.
Sur quels critères sélectionnez-vous les films présentés lors de cette soirée ?
Nous avons établi plusieurs critères précis pour sélectionner les films présentés lors de cette soirée. Tout d’abord, il existe cinq catégories distinctes : le court-métrage, le long-métrage, le vidéoclip, le documentaire, et enfin une catégorie spécifique dédiée aux films augmentés ou améliorés par l’intelligence artificielle. Cette dernière catégorie est particulièrement intéressante puisqu’elle fait le lien entre le cinéma traditionnel et les nouvelles approches, permettant aussi d’accueillir des projets hybrides.
Pour assurer la sélection la plus rigoureuse possible, nous avons constitué un jury composé de professionnels reconnus issus d’horizons variés, tels que l’art, le cinéma, la presse, et l’entrepreneuriat. Nous comptons également des réalisateurs et des chefs d’entreprise expérimentés dans le secteur des start-up.
Les critères d’évaluation sont multiples et portent à la fois sur la qualité artistique, technique, mais aussi mercatique des films, car il ne faut pas oublier que le cinéma est aussi un secteur économique où la possibilité de vendre une œuvre conditionne la réalisation de futurs projets.
Enfin, le jury examine également des critères spécifiques à l’intelligence artificielle, tels que la cohérence narrative, l’originalité et la non-répétitivité des images, la qualité visuelle et la fluidité des transitions. La consistance des personnages constitue également un élément essentiel : par exemple, un protagoniste doit demeurer facilement reconnaissable tout au long du film.
Bien sûr, l’évaluation comporte toujours une part subjective. C’est précisément pour limiter ce biais que nous faisons appel à un jury diversifié, capable d’examiner chaque projet sous différents angles et de garantir ainsi une sélection équilibrée et approfondie.
À quel type de public vous adressez-vous principalement avec ce festival ?
Notre festival s’adresse véritablement à tous les publics. Nous proposons des œuvres très variées, allant du vidéoclip ou des créations d’art contemporain, souvent très pointues et destinées à un public plus averti, jusqu’à des films d’animation familiaux, faciles d’accès, avec des histoires simples et agréables à suivre, parfaitement adaptées aux enfants. Notre ambition est justement de réunir, autour de l’intelligence artificielle et du cinéma, une audience large et diversifiée, où chacun peut trouver quelque chose qui lui correspond.
Quels aspects des œuvres réalisées avec l’IA vous ont particulièrement impressionné ou surpris cette année ?
Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est l’hyperréalisme croissant des personnages créés grâce à l’intelligence artificielle. Aujourd’hui, on constate clairement une progression spectaculaire dans ce domaine, avec des personnages toujours plus réalistes et convaincants à l’écran.
Cependant, même si ces progrès sont impressionnants, nous restons encore très loin d’un véritable remplacement des acteurs par des personnages générés par IA. À mon avis, ces deux approches du cinéma resteront distinctes à long terme : d’un côté le cinéma traditionnel, porté par le jeu d’acteurs réels, et de l’autre, une nouvelle forme de cinéma reposant principalement sur l’intelligence artificielle. Je pense qu’à terme, ces deux univers auront chacun leur propre marché, répondant à des attentes et des sensibilités différentes.
Comment voyez-vous évoluer le rôle de l’intelligence artificielle dans l’industrie du cinéma ces prochaines années ?
Je pense que l’intelligence artificielle aura un rôle absolument majeur dans l’évolution de l’industrie cinématographique dans les années à venir. Aujourd’hui, on est capable de produire tous les types de films grâce à l’IA : films publicitaires, films d’animation, documentaires où l’on recrée des scènes impossibles à filmer ou à capturer dans la réalité. En fait, l’IA permet de reproduire toutes les esthétiques, même celles du cinéma traditionnel : que ce soit l’effet Super 8, Panavision ou Technicolor, ces rendus visuels spécifiques peuvent désormais être générés par intelligence artificielle.
Ce qui est fascinant et presque vertigineux, c’est cette capacité à donner à n’importe quelle image un grain ou une esthétique très précise. En plus d’être impressionnant d’un point de vue artistique, cela représente également un énorme gain de temps pour les réalisateurs et ouvre des perspectives créatives inédites.
Pensez-vous que l’IA transforme réellement la créativité des cinéastes, ou plutôt qu’elle l’enrichit ?
Je pense véritablement que l’intelligence artificielle enrichit la créativité des cinéastes. En tout cas, c’est clairement mon expérience personnelle. Étant à la fois réalisateur et compositeur, je travaille souvent seul sur mes films. Grâce à l’IA, lorsqu’une idée me vient, au lieu de passer un temps considérable à sa réalisation technique, j’obtiens très vite des résultats concrets.
Prenons l’exemple de mon dernier film : grâce à l’intégration de l’intelligence artificielle dans mon processus de création, j’ai gagné environ six mois de travail. C’est considérable. Je ne passe plus des journées entières devant mon ordinateur à affiner chaque détail. Ce gain de temps me donne la possibilité de mener davantage de projets simultanément et d’être beaucoup plus efficace.
Pour vous donner un exemple précis : pour mon dernier court-métrage de 15 minutes, j’ai débuté le projet le 1er janvier 2024 et il était déjà prêt à être présenté cinq mois plus tard, le 16 mai 2024, lors des AI Film Awards à Cannes. C’est une vitesse de réalisation que je n’avais jamais atteinte auparavant. Habituellement, un tel projet d’animation aurait demandé beaucoup plus de temps et aurait difficilement pu être finalisé et présenté dans la même année. Cela montre concrètement à quel point l’intelligence artificielle transforme positivement les méthodes de production cinématographique.
Certains craignent que l’IA ne déshumanise l’art cinématographique. Quelle est votre position à ce sujet ?
Évidemment, dès qu’une production devient très technique ou robotisée, il y a toujours un risque de déshumanisation. On peut facilement faire un parallèle avec la grande distribution aujourd’hui : quand un produit est réalisé par un artisan, il y met du cœur, de la passion, une intention véritable. À l’inverse, dans un processus robotisé ou généré par l’intelligence artificielle, cette dimension humaine tend à disparaître. Certes, l’IA tente d’imiter cette sensibilité humaine, et c’est parfois bluffant. On le voit très bien dans la musique générée par IA, capable de produire en quelques minutes des morceaux parfaits, où l’on pourrait presque croire qu’un véritable artiste chante.
Mais ce qu’il ne faut jamais oublier dans la création artistique humaine, c’est justement cette imperfection, cette dimension d’erreur. C’est précisément cela qui rend les œuvres humaines si vivantes, si touchantes. Avec l’IA, tout devient parfait, peut-être même trop parfait, et je pense que cette perfection absolue risque de devenir un nouveau standard duquel nous aurons justement envie de nous éloigner, pour mieux apprécier la beauté des imperfections et des différences typiquement humaines.

Artiste souvent qualifié de “complet”, Devy Man est auteur, compositeur, réalisateur, directeur artistique designer et même inventeur ! Pendant plus de 20 ans il a participé activement aux plus grands festivals, dans le cinéma, la musique, & l’art contemporain où il a remporté quelques prix lors de ses participations à des concours professionnels ! (Meilleur sound designer, meilleur réalisateur, meilleur film, prix du jury). Il a notamment développé la technique du selfie-vidéo et du 100% fait sur un smartphone !