Quelles sont les critiques souvent adressées à l’utilisation de l’IA générative dans la création artistique ?
On entend souvent dire que l’utilisation de l’IA générative dans l’art revient à « piller » le travail d’autrui. C’est un défi d’expliquer qu’avec un prompt, il y a une intention artistique ou créative, et que l’on s’efforce de ne pas simplement recopier des œuvres existantes.
Comment percevez-vous la différence entre être considéré comme un artiste ou un technicien dans ce contexte ?
La différence réside dans l’intention. Derrière chaque œuvre, qu’il s’agisse d’une photographie, d’un texte ou d’une vidéo, il y a une intention artistique. Le processus créatif implique de puiser dans nos expériences et influences pour provoquer une émotion ou un ressenti.
Et de mon point de vue, la technique n’arrive que dans un second temps, elle est mise au service de l’idée. En cela, l’IA n’est qu’un nouvel et formidable outil de concrétisation.
Pour le moment, je gravite autour de deux idées/obsessions. J’ai prolongé, avec l’IA un parcours créatif amorcé en vidéo sur une forme de noir et blanc. Ça a commencé avec des images de danseurs seuls puis j’ai commencé à créer des diptyques d’associations ou d’oppositions.
J’ai ensuite creusé cette idée, comme un peintre ou photographe le ferait, pour petit à petit, essayer de créer une émotion autour de tout ceci. La chronologie des images que je produis avec Midjourney me semble témoigner d’une recherche qui, progressivement, se précise et qui vise à toucher le spectateur.
Pensez-vous que les artistes créent ex nihilo ou s’inspirent-ils de références existantes ?
Je viens du monde de l’image, je suis réalisateur après avoir été infographiste et aussi loin que je me souvienne, je suis bien en peine de citer un quelconque collègue qui ait réellement « créé » une image sans une base, sans une référence. Mais je crois fermement que nous nous inspirons de références, consciemment ou non. Notre créativité est alimentée par un ensemble d’influences et d’images accumulées au fil du temps. Nous piochons dans cette « bibliothèque » personnelle pour créer quelque chose d’original.Comment le processus créatif avec l’IA se compare-t-il à celui d’un réalisateur ou d’un artiste traditionnel ?
Un réalisateur dirige une équipe et utilise des discussions, des croquis, et des références pour créer une image. Pour moi, cela s’apparente à la rédaction d’un prompt pour une IA, où l’on spécifie nos intentions pour matérialiser une idée. L’IA, ensuite, combine ces directives avec une vaste base de données pour générer une œuvre.Comment gérez-vous l’utilisation des références dans vos prompts pour l’IA ?
Je m’impose de ne pas mentionner explicitement d’œuvres ou de styles existants dans mes prompts. Cela rend le processus plus personnel et intéressant pour moi. Cependant, une fois que l’IA prend le relais, il est difficile de savoir précisément comment et dans quelle mesure elle s’inspire d’artistes spécifiques.Comment envisagez-vous votre propre créativité en travaillant avec l’IA ?
Que fait l’IA ? Seule, elle ne fait pas grand-chose… Il lui faut quand même un petit stimulus : un prompt. Écrire un prompt c’est déjà vouloir produire, c’est déjà vouloir matérialiser une idée, une image ou un texte que l’on a dans la tête. Je tente de créer mon propre univers, en utilisant l’IA comme un outil parmi d’autres. Bien que je souhaite concrétiser mes visions avec des moyens plus traditionnels, pour l’instant, je fais avancer certaines de mes idées avec l’aide de l’IA, en me basant sur une esthétique personnelle influencée par de nombreux artistes que j’admire.Vous soulignez l’importance de l’intention derrière une image générée par IA. Comment conciliez-vous la recherche de l’originalité avec l’utilisation d’outils d’IA ?
Il est crucial de se concentrer sur l’idée, le concept et l’émotion derrière une image plutôt que sur la pure technicité. Cela implique une réflexion profonde sur ce que l’on souhaite exprimer et comment l’outil d’IA peut servir cette vision, tout en étant conscient des influences potentielles et des éléments « empruntés » par l’IA.Face à la complexité de comprendre les influences derrière une image générée par IA, comment vous situez-vous par rapport à l’utilisation de ces outils ?
Je suis fasciné par la possibilité de décrypter ce qui constitue une image générée par IA, notamment les parts d’emprunt à des œuvres existantes. Cela dit, je suis conscient que l’outil ne fait que suivre les directives du prompt et combine ces instructions avec sa base de données pour créer quelque chose de nouveau.Ma seconde quête touche à l’idée de mouvement et de danse. J’ai déjà, par des moyens vidéo plus traditionnels, travaillé sur le geste du sportif comme sur celui du danseur. L’IA me permet d’aller imaginer d’autres options.
Là aussi, la chronologie des images me semble révélatrice d’une recherche artistique qui s’appuie sur l’outil, mais qui vient concrétiser une vision que je tente de rendre personnelle.
Seriez-vous intéressé par un algorithme capable d’identifier les influences précises dans les images générées par l’IA ?
Absolument. Un algorithme capable d’identifier précisément d’où viennent les éléments d’une image générée par IA serait révolutionnaire. Cela permettrait une plus grande conscience de nos influences et pourrait faciliter une rémunération équitable pour l’utilisation d’éléments spécifiques d’autres artistes, similaire au sampling musical.
Comment cette transparence pourrait-elle impacter la création artistique avec l’IA ?
Elle limiterait probablement l’utilisation directe de références à des artistes spécifiques dans les prompts, encourageant ainsi une approche plus originale et consciente. Cela pourrait également introduire une nouvelle dynamique dans la création artistique, où la compréhension et l’attribution des influences deviennent partie intégrante du processus créatif.
Propos recueillis par Zoé HITZA