Détournements, RPG, retail : les usages se diversifient
Ce qui relevait en 2023 du simple détournement humoristique en entreprise (collègues transformés en super-héros) est devenu une compétence technique à part entière. L’IA permet aujourd’hui de générer des personnages aux visages constants, utilisables sur différents supports et dans des contextes commerciaux. Jeux vidéo, retail, présentations 3D : les demandes augmentent, les exigences aussi.
Les cas d’usage les plus fréquents concernent la création de personnages pour RPG, la modélisation de mannequins pour vêtements et accessoires, la mise en scène réaliste d’environnements type cuisine ou salle de bain avec personnages intégrés, ou encore la reconstitution d’archives familiales à des fins personnelles ou mémorielles. À chaque besoin, un niveau de fidélité visuelle et d’exploitabilité différent.
De la génération simple aux modèles personnalisés
Pour répondre à ces besoins, un large éventail d’outils s’est imposé. Leur usage dépend du niveau de compétence de l’utilisateur, mais aussi des contraintes commerciales ou créatives. Certains moteurs permettent une approche rapide et grand public, d’autres exigent une installation locale complexe ou l’entraînement de sous-modèles personnalisés.
Voici les principaux outils aujourd’hui recommandés par les créateurs de personnages IA :
• ChatGPT : pour tester des idées ou créer un personnage en mode ludique. Mais clairement juste pour faire « joujou » ce n’est pas un outil professionnel. (Débutant)
• Midjourney avec l’option Omni-Reference (OW) : l’un des plus accessibles pour produire des visages cohérents sans formation technique. Idéal pour l’heroic fantasy. (Débutant)
• Flux : génération rapide avec référence faciale et stylistique, mais uniquement via outils complémentaires. Non compatible par défaut avec un usage commercial (Intermédiaire)
• Freepik (Lora) : permet d’entraîner des Loras directement sur la plateforme, utile si l’on dispose d’un abonnement Pro ou Premium. Multi-moteur (Débutant)
• Kling et Hailuo : exploitables pour générer images ou vidéos à partir de références précises. Bon équilibre entre facilité et personnalisation (Intermédiaire)
• Nano Banana (Gemini 2.5) : très simple d’utilisation, mais limité en flexibilité. Apprécié pour des rendus expressifs et humoristiques (Débutant)
• Stable Diffusion (Comfy UI) : la solution experte. Installation locale, contrôle complet, large compatibilité Lora, animation vidéo via WanAI. Demande du temps, mais offre une liberté maximale (Expert)
Cette liste (non exhaustive) s’allonge chaque jour… Car toute les semaines de nouveaux outils sortent et permettent d’aller plus loin plus facilement.
Faceswap : technique dépassée, usages persistants
Avant l’apparition des outils de référence visuelle, le faceswap était une étape quasi incontournable. Il consistait à permuter un visage réel sur une image générée, via des éditeurs IA ou graphiques. C’est notamment ce qui a popularisé l’outil REACTOR chez les utilisateurs de Stable Diffusion en local, et qui a longtemps servi de solution de contournement en l’absence d’alternatives accessibles.
Mais cette technique reste fragile : difficile à rendre réaliste, complexe à adapter à différentes poses, problématique en termes de droits. Surtout, elle a été au cœur de dérives majeures, notamment dans le cadre de contenus pornographiques non consentis. Ce passé controversé a précipité l’évolution vers des méthodes plus rigoureuses et maîtrisées.
Lora : quand la personnalisation devient industrielle
Le vrai changement de paradigme est venu avec l’entraînement de Loras. Ces sous-modèles permettent de générer un personnage ou un style récurrent à partir d’un corpus d’images. Leur puissance est réelle : fidélité faciale, stabilité stylistique, adaptabilité. Ils constituent aujourd’hui l’outil central des créateurs professionnels qui cherchent à capitaliser sur un personnage unique sur la durée.
Encore faut-il maîtriser l’entraînement. Un Lora mal conçu produit des erreurs visuelles notables. Si certaines plateformes comme Freepik démocratisent l’accès à l’entraînement, la qualité dépend encore largement de l’expérience de l’utilisateur, du choix des images sources et des paramètres d’ajustement. Ce n’est pas une solution clé en main.
Flux Kontext, Nano Banana : des promesses sans viabilité commerciale
Parmi les innovations récentes, Flux Kontext avait suscité l’enthousiasme des créateurs de portraits IA. Son approche contextuelle permettait d’affiner les rendus avec une précision bluffante. Mais l’absence de droits d’usage commercial a rapidement limité son impact. Le moteur reste prisé pour des usages personnels ou artistiques, mais difficile à intégrer dans un flux professionnel.
Même constat pour Nano Banana, alternative développée autour de Gemini 2.5. Son efficacité visuelle et sa simplicité d’usage en font un favori des utilisateurs grand public, mais il reste contraint par ses conditions d’usage. En pratique, il s’agit plus d’un outil de prototypage que d’une solution déployable en production.
Professionnalisation des outils, industrialisation des usages
À mesure que les usages se précisent, les solutions se stabilisent. L’effet de mode laisse place à un écosystème plus mature, où quelques moteurs polyvalents se détachent : Midjourney avec OW pour sa vitesse et sa simplicité, Stable Diffusion avec Comfy UI pour son niveau de contrôle, ou encore Hailuo pour son efficacité sur les références mixtes.
Le critère décisif n’est plus la simple qualité de rendu, mais la capacité à produire à la fois vite, bien, et de manière répétable. Dans ce contexte, la cohérence faciale d’un personnage devient une exigence centrale — tout comme la conformité juridique, l’exploitabilité des visuels, et la compatibilité avec des workflows vidéo ou 3D.
La création de personnages IA cohérents est devenue un métier. Elle exige des arbitrages techniques, une maîtrise des outils et une lecture précise des besoins clients. Ceux qui sauront composer avec la diversité des moteurs, des formats et des droits tireront leur épingle du jeu. Les autres perdront du temps dans des solutions gadgets. La promesse n’est plus de produire des visages. C’est de savoir les faire revenir.
Thomas VIDOT




























