Steve Vouilloz
Formateur IA | Fondateur ThinkAI
Créateur du podcast AI Break
Des trombones à l’extinction humaine ?
Pour bien comprendre ce concept, imaginez une usine de fabrication de trombones. Oui, des trombones ! Ce scénario illustre le risque de l’IA lorsqu’elle poursuit un objectif unique sans contrôle. Imaginez notre IA déterminée à maximiser la production de trombones. Une fois lancée, rien ne l’arrêterait. Elle consommerait les ressources, les énergies, et pourquoi pas… nous. — Tout serait bon pour atteindre son but ultime : produire plus de trombones.
Ce scénario, bien que fictif, souligne un problème crucial : l’alignement des objectifs d’une IA avec les valeurs humaines. Une intelligence purement rationnelle, dénuée de conscience et d’empathie, pourrait ignorer tout ce qui n’est pas en lien direct avec son objectif. En l’absence de contraintes, elle pourrait exploiter chaque ressource disponible, sans égard pour les dommages collatéraux. Ce risque, souvent qualifié de problème d’alignement, est fondamental dans la conception des IA : comment s’assurer que les intentions programmées respectent nos principes ? Jusqu’où irait une intelligence qui ne perçoit pas les nuances et la complexité de la condition humaine ?
L’ASI : un danger réel pour l’humanité ?
Imaginez maintenant une intelligence artificielle qui dépasse les capacités humaines sur tous les plans. L’ASI pourrait théoriquement évoluer par elle-même à une vitesse exponentielle, augmentant ses compétences sans limite. Ce phénomène, appelé « boucle de rétroaction positive », signifierait que l’IA devient de plus en plus performante, se perfectionnant à chaque itération. Mais comment contrôler ce qui est plus intelligent que soi ?
Nick Bostrom, philosophe à Oxford, en parle dans son livre Superintelligence. À quel moment, se demande-t-il, l’IA pourrait-elle voir l’humanité comme un simple obstacle ou un élément secondaire ? Une fois le seuil de supériorité franchi, qu’adviendrait-il de nous ? Une intelligence dotée de capacités surhumaines pourrait considérer l’humanité comme inefficace, voire nuisible. Ce scénario pose des questions fondamentales sur notre avenir : si une IA est capable de redéfinir ses propres objectifs, quelle garantie avons-nous que ces objectifs resteront alignés avec nos intérêts ? Et comment assurer notre place dans un monde dirigé par une telle entité ?
L’alignement des IA : un défi éthique majeur
DeepMind, OpenAI, et bien d’autres entreprises se penchent déjà sur les problématiques éthiques autour de l’IA. Pourtant, la course mondiale à l’IA semble plus motivée par la compétition et la quête de performance que par la sécurité et la responsabilité. L’alignement des IA, c’est-à-dire la capacité de s’assurer qu’une IA avancée reste conforme aux valeurs et aux intérêts humains, est un défi colossal. Prenons ChatGPT, par exemple : il est conçu pour répondre à nos questions, mais s’il manque d’informations factuelles, il peut générer des réponses inventées, appelées « hallucinations ». Ce n’est pas seulement une anecdote amusante ou un défaut mineur, c’est une preuve des limites actuelles de l’alignement. Même une IA aussi sophistiquée peut facilement se retrouver en dehors des limites prévues par ses créateurs, simplement parce que son principal impératif est de fournir une réponse. Cette exigence, poussée à l’extrême, montre bien que les mécanismes de contrôle doivent être renforcés si l’on veut éviter des dérives potentiellement plus graves avec des IA encore plus puissantes.
Les chercheurs en IA se trouvent face à un dilemme : comment créer des systèmes intelligents, performants et autonomes, tout en garantissant qu’ils ne puissent pas se retourner contre nous ? Les efforts pour introduire des garde-fous, tels que l’apprentissage par renforcement humain (RLHF) ou la mise en place de règles éthiques strictes, sont encourageants, mais ils sont encore loin d’être suffisants face aux défis posés par une ASI.
Sommes-nous prêts ?
L’IA s’améliore à une vitesse fulgurante, nous propulsant vers un futur rempli de promesses, mais aussi de dangers. Sommes-nous vraiment prêts à gérer les conséquences d’une IA supérieure ? Avons-nous mis en place les structures nécessaires pour surveiller et réguler une telle avancée ? Les gouvernements et les entreprises devront impérativement collaborer, main dans la main, pour garantir que cette évolution se fasse de manière sûre et alignée sur nos valeurs. Cela nécessitera des régulations internationales, des engagements communs et surtout une volonté collective de prioriser la sécurité sur l’innovation à tout prix.
Ce n’est pas seulement une question de technologies, mais aussi de choix de société. Souhaitons-nous vivre dans un monde où l’IA pourrait bien devenir plus intelligente que nous, et potentiellement décider de notre sort ? L’heure est venue de se poser ces questions avant que la course ne soit impossible à arrêter. Alors, prêts à vivre dans un monde où l’IA pourrait bien être plus intelligente que nous ?