Ces images n’expliquent rien. Elles rassurent, elles décorent, elles brossent dans le sens du poil de l’algorithme. C’est de la pédagogie bas de gamme, comme une affiche de sensibilisation punaisée dans un couloir de lycée.
Le problème, c’est qu’elles ont été tellement utilisées qu’elles ne disent plus rien du tout. Une ampoule, aujourd’hui, ne symbolise plus l’intelligence… elle symbolise PowerPoint, Gamma à la rigueur. Et pourtant, les IA génératives les ressassent en boucle, parce que ces symboles sont simples, clairs… et surtout disponibles par millions dans leurs jeux de données (les fameux datasets).
Une imagination sous perfusion et le complot de la facilité
Ce qu’on appelle ici le biais métaphorique paresseux, c’est cette tendance des IA (et de leurs utilisateurs complices) à préférer le déjà-compris au potentiellement signifiant. Un raccourci, certes pratique, mais qui finit par effacer toute altérité visuelle.
À force de simplifier, on nivelle. À force de lisser, on stérilise. Et à force de tout vouloir illustrer comme un manuel scolaire, on fabrique un monde visuel sans surprise, sans risque, sans grain.
Soyons clairs : ce n’est pas (seulement) la faute des IA. C’est aussi celle de celles et ceux qui les utilisent comme des photocopieuses créatives. Mais si, souvenez-vous l’épisode des Starter Packs et des images à la façon de Ghibli… Parce qu’il faut livrer vite. Parce que le client « veut que ça match tout de suite ». Parce qu’un robot qui tient une ampoule, ça valide mieux dans un comité stratégique qu’un poisson rouge habillé en juge.
Mais ce que l’on voit se profiler, c’est un pacte tacite entre l’algorithme et le confort : « Tu me donnes ce que je connais, je l’habille proprement, et tout le monde est content. » Sauf l’idée. Elle, elle crève doucement. Frank Tapiro (fils de Pub) disait des slogans publicitaires qu’ils étaient morts avec la Covid… Et il ne connaissait pas encore l’IA…
Et maintenant que l’on a dit tout cela, que fait-on ? Sortir de cette ornière demande une chose toute simple : refuser l’image facile. Refuser l’évidence, refuser l’icône scolaire, refuser la fusée en plastique. C’est poser des contraintes, forcer l’outil à dérailler un peu, tordre le cou au prompt trop propre.
Car ce que l’on perd avec ces métaphores mortes, ce n’est pas seulement la beauté de l’image. C’est la possibilité même de penser autrement. Et ça, franchement, ce n’est pas un détail graphique.
Augustin GARCIA