Il faut bien le reconnaître : le marketing et le storytelling du clip « Ça va beaucoup trop vite » sont bons. Un opportunisme sans faille, surfant sur la vague IA pour faire parler de Big Flo & Oli.
Et à regarder la presse obtenue, le pari est réussi. « Si la démarche est bien d’injecter les paroles de la chanson dans l’IA et de prendre ce qui sort, je sais que ce n’est pas révolutionnaire, mais ça a le mérite d’être nourri par une démarche et une réflexion. Pour nous qui baignons allègrement dans l’IA, c’est la base… mais pour le grand public c’est innovant », souligne un artiste IA.
La supercherie est ailleurs. Le clip a en réalité deux ans et en matière d’IA c’est comme s’il datait du siècle dernier. Oui, « Ça va beaucoup trop vite » comme le chante les deux toulousains.
La tromperie va bien au-delà. Un préambule au clip raconte : « On a volontairement utilisé l’intelligence artificielle parce que le morceau parle des avancées toujours plus rapides de l’humanité et de jusqu’où celles-ci pourraient nous mener. L’utilisation de l’intelligence artificielle pour ce clip nous semblait intéressante pour interroger sur le futur de l’artiste au milieu de tout ça, venez nous voir en concert ! » Et de préciser qu’aucun être humain « n’a participé à la création de ces images, que ce soit sur le graphisme ou sur la réalisation ».
La vérité ? L’auteur du clip, qui a probablement généré largement plus que les 49225 images annoncées, livre un tout autre discours. Le titre dévoilé le 24 mars n’a rien d’un clip « full IA » comme l’explique Neb, le réalisateur de la vidéo. Il y aurait passé pas moins d’une centaine d’heures. Car oui, l’IA ne génère pas toujours ce que l’on souhaite, il faut faire de nombreuses itérations. De plus, de nombreuses retouches ont été nécessaires pour obtenir le produit fini. Qui a déjà utilisé l’outil open source Stable Diffusion de Stability AI sait que ce n’est pas chose facile.
L’IA d’aujourd’hui mérite mieux que cela…
Sur les réseaux certains en parlent comme d’une « dinguerie ». Personnellement, je préfère plagier Nabilla Vergara « Allô ! Non, mais, allô quoi ! » Allez, je vous l’accorde, la critique est facile.
« Côté technique, “Ça va beaucoup trop vite”, issu de l’album “Les autres c’est nous” n’est pas révolutionnaire. Mais C’est tout de même un bon mix d’outils pour générer les images, et des shedulers pour découper le texte en prompt pour faire évoluer l’animation », explique Hedy Magroun, co-fondateur de Brewster Studio.
« Sur la partie créative, rien de bien nouveau non plus, il existe des choses dans cet esprit bien plus créatif qui sont apparues il y a plus d’un an », poursuit-il.
Flavien Berger — Berzingue (Clip officiel) réalisé par Jamie Harley ou encore ce clip de folie psychédélique de plus de 7 heures.
Mais la référence en termes de clip n’est autre que DIE ANTWOORD — AGE OF ILLUSION sortie en septembre 2022
Pour la performance, les avis sont partagés entre le « Déjà, c’est insupportable ! Ce clip va provoquer des épilepsies. On a l’œil qui cligne par réaction comme pour nous préparer à un AVC. L’homme n’est pas prêt à être le cobaye d’une telle expérience stroboscopique. 5 secondes : c’est la limite pour supporter cet effet de morphisme toujours mal fait, qui ne cachera pas la misère artistique des images. » et « Pour ce qui est de l’aspect graphique, les goûts et les couleurs, c’est comme le port-salut, mais le choix du modèle ou l’originalité visuelle auraient pu être plus poussés. Enfin, il faut qu’on m’explique : l’intelligence artificielle n’a pas grand-chose à voir là-dedans ! »
Le clip a deux ans. Il est cohérent avec la qualité produite. « Avec la vitesse à laquelle évolue les IA, ça fait ‘vieillot’. Mais je trouve cela tout de même intéressant. Je dois reconnaître que c’est clairement au détriment des IA, mais en même temps cela correspond au propos de la chanson, donc ce n’est pas déconnant… », conclut Nicolas GenIArt.
Neb a d’ailleurs collaboré à d’autres vidéos comme le remix de « Holidays » de Michel Polnareff. De quoi nous réconcilier avec ce qui se fait aujourd’hui avec l’IA.
Zoé HITZA