Imaginez un salarié chargé de rédiger un mail délicat. Il ouvre ChatGPT, colle trois paragraphes sensibles et demande une version plus habile. Un médecin lit une étude complexe et interroge une IA en donnant quelques éléments de contexte clinique. Une avocate indépendante teste une stratégie argumentative en y glissant des passages confidentiels. Ces scènes se répètent chaque jour en France.
La frontière entre usage personnel et usage professionnel s’efface. Le compte ChatGPT Plus d’un salarié devient un outil de travail officieux. Le Copilot grand public installé sur un ordinateur personnel absorbe des fragments de dossiers internes. Les outils gratuits capturent des confidences professionnelles sans que la direction de l’entreprise ne le sache.
Cette confusion s’installe parce que l’interface donne l’impression d’un espace sûr. Le ton neutre rassure. Quelques phrases sur la confidentialité entretiennent l’illusion d’une intimité protégée. En réalité, rien n’indique au moment du clic où partira le texte et combien de temps il restera stocké.
Un deuxième phénomène aggrave la situation. Les utilisateurs associent l’idée d’hébergement européen à une garantie solide. Le marketing joue sur cette perception sans la contredire frontalement. Le citoyen pense que ses données ne sortent pas de l’UE et glisse sans hésiter des informations très sensibles.
L’éducation aux risques reste quasi absente. Les avertissements se résument souvent à une ligne sèche. Les plateformes rappellent de ne pas saisir d’informations sensibles, mais leur fonctionnement même incite à faire l’inverse. L’IA devient une oreille disponible à toute heure, un confident numérique qui n’oublie rien.
Dans cette zone floue, l’utilisateur s’avance sans filet. Il parle à une machine qui le dépasse, mais il lui parle comme à une présence familière.
Augustin GARCIA
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