Luc FAYARD
Journaliste, poète, éditeur
On voit même un groupe « 100 % humain » en train de se constituer sur Meta ! Comme si le « 100 % humain » était un label d’excellence, alors qu’il est surtout le symbole, peut-être de belles choses, mais aussi du saccage de la planète et de l’accroissement des inégalités.
Un vieux débat
C’est un vieux débat entre l’homme et le progrès. Quand les voitures à cheval se sont répandues dans les villes, les piétons peureux se sont vus submergés par le fumier. Quelques théoriciens de l’innovation ont pourtant produit des études remarquables montrant qu’un progrès ne remplaçait jamais le précédent et qu’on vivait des évolutions avec des strates successives de technologies.
Par rapport à tout ce qu’on a connu en informatique depuis 40 ans et que j’ai suivi (hélas pour mes vieux os !), il n’y a strictement rien de nouveau dans l’IA : c’est du logiciel, des 0 et des 1.
Ce qui inquiète, c’est que parfois ce logiciel s’écrit tout seul. De là à l’imaginer prenant des libertés avec ses concepteurs et même se dotant d’une conscience du bien et du mal, il n’y a qu’un pas que tous les auteurs de science-fiction ont franchi allègrement depuis des années. Arrêtons de rêver !
Vieillir moins vite avec l’IA
Moi poète, j’aime bien l’IA, même cette générative maladroite envahissante. Il me plaît qu’elle ait des défauts, personne n’est parfait, surtout pas l’homme, on l’a compris depuis longtemps, mais la machine non plus. J’aime bien comprendre les mots, l’histoire, la technologie, l’art, les relations entre les gens et la nature, j’aime bien poser des questions, discuter, et pour tout cela l’IA n’est qu’un prolongement de ma relation à l’ordinateur et à internet.
Je ne lui fais pas plus confiance qu’à Windows, Apple ou Google, c’est peu dire pais je m’amuse bien, je passe du bon temps et surtout j’avance, j’apprends, toujours plus vite qu’avant. Je vieillis moins vite grâce à l’IA. On doit tous apprendre à réfléchir, apprendre et créer avec l’IA, comme on l’a fait avec tous les outils successifs du numérique, voilà le vrai objectif.
Un blog de poèmes illustrés par l’IA
J’ai même créé un blog avec quelques-uns de mes poèmes illustrés par l’IA et franchement j’aime bien ! Une artiste m’ayant fait des compliments sur une illustration m’a dit ensuite, quand elle en a su l’origine : « Ah quel dommage pour une artiste que d’avoir été émue par une image IA !… ». Je la comprends.
Bien sûr, comme tout le monde, je me suis amusé à faire écrire des poèmes à l’IA et là j’ai bien rigolé. ChatGPT, c’est incroyable, est incapable de faire plusieurs alexandrins de suite, même quand on lui explique les règles.
Par contre, quand je demande à DALL.E de me créer une image à la façon d’un tableau impressionniste, en lui donnant quelques lignes de mon poème, je suis souvent bluffé.
En tant que poète et éditeur, je travaille avec beaucoup d’artistes plasticiens et ils sont très souvent très intéressés par l’IA. On discute ensemble de sa meilleure utilisation et nous trouvons plein d’idées. Par exemple une de mes amies peintres, pas geek du tout, lui a donné un texte qui résumait à sa façon ce qu’elle avait envie de dire dans son prochain tableau : l’IA lui a sorti une image qu’elle a utilisée comme une esquisse de tableau et elle m’a avoué que celle-ci lui avait donné plein d’idées.
Très fort en résumé aussi l’IA générative ! Là, elle est déjà quasiment imbattable. Un peu trop Sciences-Po peut-être… J’écris souvent des fiches de lectures trop longues sur des livres difficiles comme « Essais sur le bouddhisme zen » de Daisetz Teitaro Suzuki (1345 pages) et l’IA m’en fait un très bon résumé de 300 mots que je donne à qui veut. Sans forcément dire que c’est l’IA qui a fait ce résumé.
Savoir quel est l’auteur
C’est là le problème : on aime savoir quel est l’auteur de ce qu’on lit, voit, touche, entend. Il faudra donc des outils de contrôle, mais là aussi ce sont des étapes obligatoires déjà vécues dans les technologies précédentes.
Par contre, là où je hais l’IA c’est quand elle prend le pouvoir sur le service client, via les algorithmes et les robots, comme celui d’Amazon ou de KDP : là quand on a un problème, on aimerait bien avoir un humain au bout du fil… Cela fait six mois qu’Amazon affiche une version obsolète et indisponible de mon recueil de poèmes « elle joue la nuit » (il existe aussi heureusement une bonne version…) ! Ils n’ont jamais répondu à mes réclamations et j’en suis maintenant à la mise en demeure par avocat. Si vous voulez m’aider, tapez « Amazon elle joue la nuit », cliquez sur « Signalez un problème avec ce produit », écrivez qu’il faut supprimer cette annonce ! Merci !
Je finirai en disant que c’est bien moi Luc Fayard qui ai écrit ces lignes, sans aucune aide de l’IA. On n’est jamais assez prudent…