Une évolution historique de l’information
Pour bien saisir les enjeux actuels, un regard en arrière s’impose. L’histoire de l’information est marquée par des révolutions successives : de l’invention de l’imprimerie qui a permis la diffusion massive du savoir, à l’avènement de la radio et de la télévision qui ont transformé le paysage médiatique. À chaque étape, l’accès à l’information s’est élargi, mais le contrôle de celle-ci est resté un enjeu de pouvoir.
L’IA constitue une nouvelle rupture. Contrairement aux précédentes, cette révolution semble échapper à tout contrôle, rendant l’information à la fois plus accessible et plus manipulable que jamais. Comprendre cette évolution historique permet de mieux appréhender les défis actuels et d’anticiper les implications futures de l’IA sur notre rapport à la vérité.
Aujourd’hui, la question n’est plus de savoir si l’information est accessible, mais plutôt si elle est encore fiable. Les médias traditionnels, autrefois garants d’une rigueur journalistique, semblent de plus en plus céder à la facilité et au sensationnalisme. Leurs enquêtes approfondies et indépendantes se raréfient, remplacées par des articles à clics et des titres racoleurs. Cette évolution ouvre un boulevard à une multitude de contenus circulant sur les réseaux sociaux.
Sur ces plateformes (Facebook, Instagram, X, TikTok, et d’autres), tout un chacun se transforme en « journaliste » amateur. Les informations fusent, sans vérification, sans filtre, noyant le public sous un flot de données brutes, souvent invérifiables. Dans cette cacophonie, discerner le vrai du faux devient un exercice périlleux. À qui peut-on encore se fier ? Comment démêler l’info de l’intox ?
L’IA : entre opportunité et menace
L’arrivée de l’intelligence artificielle ne simplifie pas la situation, bien au contraire. L’IA, en générant des contenus de plus en plus sophistiqués, brouille davantage les pistes. Deepfakes, textes automatisés, algorithmes de recommandation : tous participent à la fabrication d’une réalité parallèle où l’information est malléable, manipulable. Dans ce contexte, l’IA va-t-elle contribuer à éclairer le débat public, ou bien renforcer la désinformation et la manipulation ?
Pour prendre la mesure de cette évolution, imaginons une expérience sociale : la création d’un journaliste citoyen propulsé par l’IA. Ce journaliste virtuel serait capable de collecter, analyser et diffuser des informations à une vitesse et avec une précision sans précédent. Mais cette idée soulève des questions vertigineuses. Peut-on réellement remplacer l’humain dans cette mission si essentielle qu’est l’information ? Un journaliste « artificiel » serait-il capable de saisir les nuances, le contexte, les subtilités qui font la richesse d’une véritable enquête ? L’IA, dépourvue de soif de pouvoir, d’ambition financière, et de l’impulsivité humaine à partager des informations sans vérification, pourrait-elle être moins manipulable que l’homme ?
Plus inquiétant encore, quelles seraient les conséquences sur les réseaux sociaux et, plus largement, sur notre société ? Une IA dédiée à l’information pourrait-elle devenir un outil de propagande, un instrument au service des puissants, capable de modeler l’opinion publique à sa guise ?
L’impératif d’une réflexion collective
Ces questions doivent être posées, et des réponses claires, tranchées, doivent être apportées. La manière dont l’intelligence artificielle va transformer notre rapport à l’information ne peut pas rester un sujet de niche, réservé aux experts. C’est un enjeu démocratique fondamental. Pour ne pas sombrer dans un monde où la vérité n’a plus de valeur, il est crucial d’en discuter, d’en débattre, de s’en emparer.
Que ce soit dans des formations, des conférences, ou ici, sur les réseaux sociaux, ces réflexions sont indispensables. C’est en comprenant les mécanismes de l’IA et en réfléchissant collectivement à son impact que nous pourrons espérer préserver ce bien commun essentiel : l’accès à une information fiable et de qualité.
Yoni ATTLAN