Thibaut LUCAS
CEO de Picsellia
Ingénieur diplômé de l’INP ENSEEIHT, Thibaut Lucas co-fonde Picsellia en 2020 avec son associé Pierre-Nicolas Tiffreau (CTO). Thibaut a dès le départ une ambition ; celle de faire en sorte que la technologie de computer vision soit le plus utilisée possible parce qu’elle a la possibilité de changer le monde.
L’intelligence artificielle appliquée à la vision par ordinateur dépasse les applications industrielles. Elle peut servir des objectifs sociétaux et environnementaux. La France excelle en recherche IA, mais doit maintenant exceller en applications. Définir un standard de développement est crucial pour maximiser cette technologie.
En effet, la France innove en IA, mais peine à industrialiser la vision par ordinateur. Le décalage entre innovation et application commerciale est dû à plusieurs facteurs : absence de mécanismes de transition efficaces et réticence des industries traditionnelles à adopter rapidement ces technologies.
Pourquoi ce décalage existe-t-il ? L’absence de mécanismes de transition efficaces signifie que les résultats de la recherche ne passent pas toujours du laboratoire au marché. Il manque des structures pour accompagner cette transition. De plus, les entreprises établies hésitent souvent à investir dans des technologies qu’elles perçoivent comme risquées ou trop complexes.
Des pistes connues et bien balisées
Comment résoudre ces problèmes ? Une solution pourrait être la création de hubs d’innovation. Ces centres dédiés, où chercheurs, startups et grandes entreprises collaborent étroitement, permettraient de partager des ressources, des idées et des compétences, facilitant ainsi la transition de la recherche à l’application commerciale. Station F à Paris est un bon début, mais il faudrait aller plus loin avec des hubs spécialisés en vision par ordinateur.
La promotion de la formation et de l’éducation continue est également essentielle. Des programmes de formation pour les ingénieurs et les techniciens, ainsi que des cours de mise à niveau pour les professionnels en activité, garantiraient que les talents nécessaires sont disponibles et prêts à travailler avec des technologies avancées. Développer des partenariats entre les universités et les entreprises pour créer des cursus spécialisés en vision par ordinateur serait une démarche bénéfique.
Enfin, le développement et l’adoption de standards de développement sont cruciaux. Des normes claires et partagées pour le développement et le déploiement de technologies de vision par ordinateur faciliteraient la collaboration entre différentes équipes et assureraient la qualité et l’interopérabilité des solutions. Une initiative nationale, comme l’AFNOR, pourrait établir des standards spécifiques à la vision par ordinateur.
Un effort collectif nécessaire pour favoriser une adoption rapide
La solution réside dans les processus et les outils. En IA, l’ingénierie des procédés de fabrication et de maintien de la technologie s’appelle le MLOps (Machine Learning Operations). Le MLOps rationalise le déploiement et la maintenance de modèles complexes, créant des produits robustes et scalables grâce à un cadre de travail partagé.
Lors du dernier VivaTech, le député Paul Milly a souligné les ambitions de la France pour devenir leader européen de l’IA. Un investissement de 4 milliards d’euros est prévu dans le cadre du plan France 2030. L’accent est mis sur l’accroissement des talents et de la puissance de calcul. La France doit aller vers une plus grande industrialisation et normalisation pour éviter une fracture technologique.
La France doit se positionner à l’avant-garde de la vision par ordinateur. Il est impératif de mettre en place un standard de développement et un ensemble d’outils adoptés par la communauté scientifique. En faisant de la vision par ordinateur et du MLOps des priorités stratégiques, la France peut devenir un leader mondial. En définissant des standards et en commercialisant ces technologies, la France peut stimuler l’innovation, attirer des investissements et créer de nouvelles opportunités économiques. Elle placera ainsi ses industries et sa recherche au cœur de l’avancée technologique mondiale.